Cervélo S5, le vélo qui triomphe au Tour de France : vais-je y survivre ?
Impitoyable, peu confortable et… impossible à maîtriser pour un débutant ? Observons cela après avoir passé un mois et demi aux commandes de ce Cervélo S5.
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Les Français sont-ils devenus feignants ?
Voitures sur-assistées et sur-élevées, smartphones capables de tout faire ou presque à votre place, appareils connectés dans la cuisine pour concocter tous les meilleurs plats sans que vous n’ayez à battre les oeufs… Et puis, bien sûr, le vélo à assistance électrique. Environ 750 000 ont été vendus l’an dernier chez nous. Les Européens ne veulent plus forcer, ils veulent être « poussés » par leur machine à pédales en tournant simplement les jambes. D’accord, je caricature. Je comprends même aisément la popularité des vélos électriques dans un usage pratique (vélotaf) ou pour les personnes souffrant de problèmes de santé. Ou encore, pour ceux qui vivent dans des régions à fort dénivelé et qui veulent juste profiter du plaisir de la descente…
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Mais aujourd’hui, point de moteur ou de batterie. Il s’agit d’un tout autre engin. C’est un peu comme si l’on vous proposait de troquer votre confortable berline cinq places bien moelleuse et à boîte automatique pour une GT3 de course monocoque en carbone. Le gap entre les vélos électriques (urbains, ou autre) que nous avons pu essayer sur Autozen et ce Cervélo S5 est probablement aussi grand. Mais si la machine est exigeante, le plaisir récolté est d’autant plus grand. Ca va vite, très vite… si on y met du sien. Allez, c’est parti pour un tour.
Ce vélo a tout gagné en 2023
Petite piqûre de rappel : Cervélo, marque originaire du Canada, équipe l’équipe professionnelle Jumbo Visma (rebaptisée Visma Lease a Bike en 2024) qui a remporté les trois grands tours en 2023 : Italie, France et Espagne. A chaque fois avec des coureurs différents. Et à chaque fois en exploitant les capacités d’un engin atypique dans le paysage cyclopédique. Original non pas par sa composition (carbone de grade élevé) ou ses équipements qui sont finalement classiques, mais plutôt par sa forme, et tout particulièrement ce cintre en « V » qui a la particularité de ne pas nécessiter de douille de direction comme sur une fourche classique.
Aérodynamique dans les détails
Le cadre est particulièrement travaillé avec une zone hyper dense en carbone autour du boîtier de pédalier. Obligatoire, pour rigidifier l’ensemble, limiter les torsions et mieux transmettre la puissance générée par vos jambes. L’axe de roue arrière est quant à lui rapproché au maximum du centre du vélo grâce à une généreuse courbure du tube de selle qui épouse la roue. Une courbure que l’on retrouve autour de la roue avant, mais plus modeste. L’idée derrière ça est d’effacer les zones de « trous » pour réduire la traînée aéro. Car c’est bien l’objectif premier de ce type de vélo : fendre l’air le plus efficacement possible.
La fiche technique est flatteuse avec une transmission 12v Shimano Dura Ace à commande électrique Di2, des roues Reserve en carbone (marque propriétaire du groupe Pon, qui possède Cervélo, Santa Cruz et d’autres marques). Heureusement, nous direz-vous, avec un prix public de 13 000 €… Poids de la bête : environ 7,5 kg. Ce n’est pas hyper léger, mais la bête est épaisse et généreusement carénée. Pour pinailler, signalons que le vélo ayant tout gagné en 2023 était doté de périphériques SRAM. Mais qu’importe le flacon, tant qu’il y a l’ivresse.
Les premiers tours de roues surprennent : je m’attendais à une planche de bois très inconfortable, mais je trouve immédiatement mes marques et le poste de conduite filtre particulièrement bien les vibrations à l’avant. Mention spéciale aux cocottes Dura Ace toujours aussi agréables à prendre en main. Lesquelles disposent d’ailleurs d’un astucieux bouton sur leur sommet pour passer les vitesses sans aller chercher les gâchettes derrière les freins.
Malgré la météo capricieuse de l’automne, j’ai pu mettre à l’épreuve cet S5 sur les routes montagneuses alpines et sur les merveilleuses bosses des Alpilles autour des Baux de Provence. Deux profils bien différents, le second étant clairement le terrain de jeu du S5. Les roues hyper profilées (52 mm devant, 63 mm derrière…) sont exigeantes en montagne et demandent une puissance élevée que votre serviteur n’a pas toujours été en mesure de fournir. Mais des roues plus fines et légères pourraient solutionner ce problème, pour ceux qui voudraient quand même un tel vélo pour la montagne.
Une fois bien calé, les coudes rentrés et la tête basse, on appuie et on constate : la puissance propulse immédiatement le S5 qui maintient sans peine les 30 à 35 km/h sur le plat. Quel régal, d’autant plus que le confort relatif est appréciable. Debout sur les pédales, en mode sprint, le gain de vitesse est bluffant. Je regrette tout de même l’absence de capteur de puissance sur cette variante Shimano. Rageant à un tel prix !
Evidemment, d’autres vélos concurrents de ce segment font également des miracles en matière de rendement. Mais ce S5 brille aussi par son silence de fonctionnement et une stabilité étonnante. J’ai pu le malmener en descente de col, et il faut lui reconnaître un certain calme, y compris sur route dégradée. On s’y prend à lâcher les mains à plus de 70 km/h dans la pente pour aller chercher les friandises au chocolat dans la poche arrière. Pas très recommandable, mais c’est dire si le S5 rassure.
Après plusieurs sorties le sourire au lèvre (et quelques malheureuses crampes à vouloir sprinter à chaque bosse, le S5 poussant au crime), il est temps de nettoyer « le » vélo de 2023 et le réexpédier. L’occasion pour moi de constater que certaines choses ont été bien pensées sur cette version 2023, comme le réglage de l’inclinaison du cintre. Ou encore le dégagement plus important dans la fourche et les bases permettant de monter des gros pneus (jusqu’à 34 mm). Bien sûr, tous les câbles sont 100 % intégrés et requièrent donc de tout déconnecter pour changer les roulements de direction. C’est toujours une galère pour l’entretien, mais cela ne se fait heureusement pas tous les 4 matins. Enfin, le S5 présente l’inconvénient d’avoir une direction qui ne braque que très peu (elle vient vite en contrainte contre le cadre). Pas très pratique lorsqu’il faut le ranger dans un carton ou pour braquer court… mais il fallait bien lui trouver des défauts.